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Angèle Diabang titille les traditions dans « Un air de kora »

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La réalisatrice sénégalaise utilise de nombreux symboles dans son court métrage en compétition au Fespaco 2019.

Salma, jeune fille issue d’une famille musulmane traditionnelle, a développé une obsession pour la kora. A force de regarder son père en jouer en cachette, elle a appris quelques notes. Quand un  moine découvre son potentiel, il la confie à un jeune prêtre du monastère, le père Manuel, un dévoué du Seigneur aux allures d’athlète olympique. Celui-ci reçoit pour mission de donner des cours à Salma, afin de perfectionner son doigté. D’abord timide et impénétrable, le prélat finit par perdre ses moyens devant le regard innocent et le talent de la jeune fille. Celle-ci en apprend certes, mais tombe enceinte de cet amour interdit.

Lorsque le pot-aux-roses est découvert, la relation tourne court. Pendant deux ans, Salma essaie en vain de dire à Manuel que de cet amour furtif, est né un enfant. Cette épreuve désespérante permet de découvrir un père aimant, qui n’a pas rejeté Salma, malgré ce fils hors mariage. Bien au contraire, il lui dit que ça ira. Ce même père qui ne transigeait pas sur l’idée qu’elle touche à sa kora. «C’est pour les hommes », grondait-il dans une scène du film.

La kora, une affaire de garçon

Dans son court métrage (23 minutes), Angèle Diabang, réalisatrice sénégalaise, questionne la place de la kora dans la société moderne. Instrument de musique des peuples Mandingue, la kora est jouée à l’origine par des hommes. Une journaliste sénégalaise ayant pris part à la projection de « Un air de Kora » ce 26 février au Ciné Burkina ne se souvient pas avoir vu une femme en jouer au Sénégal. Un autre confrère du Sénégal apporte une nuance. Il affirme qu’aujourd’hui, quelques filles apprennent à jouer de la kora sans être inquiétées. Mais, à la base, le cordophone est réservé aux mâles. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’instrument compte 21 cordes.

Dans certaines sociétés traditionnelles africaines, en effet, le chiffre 21 représente trois cycles de 7 ans correspondants aux différentes étapes de la vie d’un homme. Entre 0 et 7 ans, il est un enfant. Entre 7 et 14 ans, il entre dans l’apprentissage de la vie d’adulte via l’initiation. Il est alors coupé des siens pour se préparer à résister aux coups du destin. Enfin, entre 14 et 21 ans, il chemine vers la maturité.

La religion ne divise pas les cœurs

Cet instrument, « refusé » aux femmes, est donc un tabou qu’Angèle Diabang essaie de briser. Au-delà de cet interdit, la réalisatrice sénégalaise reste sur des symboles pour montrer le modèle de cohabitation religieuse entre chrétiens et musulmans du Sénégal. Ce qui n’enlève rien à la double transgression de Salma. En effet, Angèle Diabang ne prétend pas qu’aimer un prêtre est la chose la plus logique pour accéder au bonheur.

La qualité technique, le jeu d’acteurs et l’histoire du film forment une belle cohérence. Cependant, les cinéphiles peuvent être choqués par l’alliance que le père Manuel porte à son pouce droit. Ce qui traduit, dans certains contextes, le besoin d’affirmer son indépendance, son individualité et sa liberté. Une bague sur le pouce droit peut aussi traduire une insatisfaction sexuelle. Etait-ce le cas du père Manuel ? Possible. Dans ce cas, Angèle Diabang aura mis les cinéphiles sur une piste accessible aux fins connaisseurs des codes sociaux.

« Un air de kora » est en compétition dans la catégorie « Fiction court métrage ».

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