Ciné Mort en Afrique Centrale
En cette nouvelle année 2017 que nous venons d’enjamber, il parait important de s’interroger sur l’avenir du cinéma en Afrique centrale, une sous-région non seulement confrontée à de multiples crises économiques, sociales, politiques et culturelles, mais qui souffre également d’un manque criant des infrastructures techniques, de formation professionnelle, des réseaux d’importation, de distribution et d’exploitation des films.
Le cinéma en Afrique centrale, bien qu’encore jeune, balbutiant et d’une capacité de production très faible, est un outil indispensable pour le développement de nos sociétés dont l’oralité est le fondement des traditions culturelles, et ou l’analphabétisme, la prostitution, l’exode, la criminalité, le VIH/SIDA et les MST constituent des véritables défis à relever. Comme l’affirmait Sékou Tall, pour les africains, le cinéma doit servir de « référence pour se signifier et phare pour s’éclairer, être le reflet de leurs préoccupations majeures de chaque jour, celui de leurs devanciers et des motifs qui suscitent leurs actions pour se libérer ».
La situation du cinéma en Afrique centrale est alarmante, car elle ne cesse de se dégrader malgré l’effort de quelques festivals qui tentent de le faire survivre. L’absence d’aides, de réglementation et des moyens de son application, auxquelles s’ajoutent la fraude, la corruption, le népotisme, le clientélisme qui gangrènent nos Etats, adossés au manque de compétence, de savoir-faire et professionnalisme, ont contribué à la fermeture des salles de cinéma. Aujourd’hui, en dehors du Tchad, du Gabon et de l’Angola qui disposent encore d’une ou de deux salles, les autres pays tels que le Cameroun, le Congo Brazzaville, la République démocratique du Congo, la Centrafrique et la Guinée n’en disposent plus.
Malgré ce contexte défavorable au développement du cinéma, le secteur suscite un fort engouement pour la jeunesse, qui grâce à son abnégation au travail et à son ingéniosité, arrive à surmonter les difficultés matérielles pour pouvoir produire des films. Il convient de relever que si des Cinéastes comme Haroun Mahamat Saleh et Issa Serge Coelo (Tchad), Bassek Ba Kobhio, Blaise Pascal Tanguy, et Jean-Pierre Bekolo (Cameroun), Ngangura Mweze et Balufu Bakupa Kanyinda (Congo) ont pu réaliser des films qui sont à l’affiche dans des grands festivals et diffusés sur de grandes chaines de télévisions africaines et occidentales, c’est grâce à des subventions, d’aides et de coproductions souvent extérieures aux pays de l’Afrique centrale. La survie du 7ème art dans cette sous région d’Afrique est tributaire à des aides extérieures et aux quelques rares maisons de productions privées, dans la plupart des cas téméraires.
L’industrie du cinéma est de nos jours un secteur pourvoyeur d’emploi et les exemples abondent dans ce sens. Les dirigeants d’Afrique centrale n’ont qu’à voir ce qui se passe au Nigéria (Nollywood), en Afrique du Sud et au Burkina Faso (FESPACO) pour se rendre à l’évidence qu’il est temps pour eux d’entamer des réflexions profondes, assorties des programmes dotés des moyens conséquents pour sauver ce secteur.
Les défis liés au terrorisme, aux phénomènes récurrents des migrations, du réchauffement climatique, de la crise économique et sociale, ne peuvent être relevés que par la prise en compte de la dimension culturelle dans les programmes de développement.
Nous espérons qu’avec l’accession de Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine et de Moussa Faki Mahamat de la Commission de cette institution, la Commission Technique chargée du Développement de l’Industrie de Cinématographie en Afrique sera ressuscitée pour donner une nouvelle dynamique au cinéma Africain par la mise en application des recommandations définies en 1982 au colloque de Niamey.
Pendé Padjiri