Kantarama Gahigiri : « Il faut rendre le cinéma accessible »
Suisse ou rwandaise, la jeune femme multiplie les casquettes pour s’abreuver de sa passion pour le cinéma. Elle était à Ouagadougou, au Fespaco, pour soutenir Joël Karekezi et son film « The mercy of the jungle ». Normal, elle a travaillé comme actrice et chargée de production sur le projet, sacré Etalon d’or de Yennenga le 2 mars dernier. Elle a aussi fait le déplacement pour le Burkina Faso afin de parler de son futur long métrage. Kantarama Gahigiri raconte son Fespaco et parle de sa rencontre avec le cinéma, de ses réalisations et de ses projets. Entretien…
Vous êtes scénariste, réalisatrice, productrice et actrice. Le cinéma est votre vie. Comment s’est opérée votre rencontre avec le 7ème art ?
Ça n’a pas tout de suite été une évidence. J’ai fait dans les métiers artistiques dès l’âge de quatre ans. J’ai pratiqué de la musique, ensuite du théâtre. Mais, je n’avais pas encore trouvé ma voix. Et puis un jour, un ami réalisateur, basé à New-York maintenant, m’a demandé de l’aide pour son tournage. Et je suis allée passer deux jours sur son projet. J’ai aidé avec ce que je pouvais. Je n’avais pas d’expérience. Mais quand j’ai vu ce qu’il faisait, je me suis dit « C’est ça que je veux faire ». Ensuite, j’ai eu la chance de trouver une bourse et je suis partie à New-York. J’ai fait un master en cinéma là-bas, puis j’y suis restée, huit ans au total, pour pouvoir travailler, me former sur le terrain, dans l’industrie cinématographique à New-York. Donc, j’ai fait partie de gros tournages comme Men in black 3, Suits, des films indépendants, des clips des spots publicitaires et autres. Et, petit à petit, j’ai commencé à grandir dans mon propre travail. J’ai réalisé des courts-métrages. Ensuite, j’ai fait une série en deux saisons de courts-métrages qui s’appelle Me+U. Après ça, j’ai quitté New-York pour l’Europe. Et là, j’ai fait mon premier long-métrage avec mon collègue Fred Baillif intitulé « Tapis Rouge ». Ce film nous a amené un peu partout dans le monde. On a eu la chance de pouvoir le projeter à plusieurs endroits. On a reçu le prix de la meilleure réalisation au Chelsea film festival à New York, et le prix TV5 Monde, entre autres. Ce film a fait une sortie nationale en France en 2017. Et puis depuis, je suis retournée en Afrique parce que je suis originaire du Rwanda. J’ai pu faire quelques films là-bas. J’ai aussi pu donner quelques workshops à Kigali. J’ai trouvé qu’il y avait une énergie incroyable et des choses qu’il valait la peine d’explorer. Donc, chaque année, je passe plusieurs mois au Rwanda et en Afrique de l’Est en général parce que j’ai quelques projets en Ouganda et au Kenya. Et là, je suis en développement pour mon prochain long métrage. Donc, c’est intéressant de venir au Fespaco, de rencontrer des acteurs, des producteurs, de faire un peu de networking, voir des partenaires potentiels pour le film.
Quels sont vos thèmes de prédilection ?
Ça varie. Mais le prochain film est une projection dans le futur de certaines réalités sociales. J’aime bien des sujets sérieux mais traités sous une forme légère. Il faut que les sujets parlent aux jeunes.
Quelle est votre vision pour le cinéma africain ?
Je me rends compte qu’il y a énormément de personnes talentueuses, énormément de projets qu’il vaut la peine de découvrir. Je souhaiterais avoir plus de moyens pour les mettre en lumière sur le continent. Parce que de temps en temps, on a des films géniaux et on a de la peine à les voir quand on est en Afrique. J’espère qu’on va pouvoir se mettre ensemble pour rendre le cinéma accessible. A part ça, je trouve qu’il y a une énergie folle, beaucoup de talents sur l’ensemble du continent africain. Ils sont nombreux à se battre pour maintenir cette culture du cinéma africain. J’ai beaucoup d’espoir. Je vois qu’enfin, on essaie de se donner la main, de collaborer. Le Fespaco est la plate-forme idéale pour cela. Donc oui, j’ai un bel espoir pour l’avenir.
Vous avez participé au projet « The mercy of the jungle », étalon d’or de Yennenga de la 26ème édition du Fespaco, en tant qu’actrice et chargée de production. Qu’est-ce que ce film représente pour vous ?
Pour moi, The mercy of the jungle est nécessaire, important comme le dit Joël lui-même, ce n’est pas une histoire entre deux pays, mais ce sont des thèmes qui nous touchent tous. Ça parle de la guerre, un phénomène présent dans beaucoup de pays dans le monde entier. Je crois qu’il a voulu aller voir au niveau de l’humain, ce que ça fait d’être dans cette perspective. Le film raconte l’histoire de deux soldats qui vivent une expérience à l’issue de laquelle ils sortent transformés. Le film est un message de paix et d’espoir. Il faut donner de l’espoir à la jeunesse.