Rencontre avec … M. Ardiouma Soma, Délégué Général du FESPACO
Juste après que le pouvoir burkinabé ait changé de mains, le principal festival du continent a changé de patron et évolue dans la continuité. Le nouvel homme fort, M. Ardiouma Soma a été officiellement installé le 26 décembre 2014, lors d’une cérémonie, par l’ancien Ministre de la culture et du tourisme, M. Jean Claude Dioma. Pour ses qualités et sa grande expérience, il a été chaleureusement félicité par le Ministre. Ardiouma Soma est un homme du sérail pour avoir travaillé pendant plusieurs décennies au festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, où il avait la charge de la cinémathèque. Il a également occupé les fonctions de directeur général du Bureau Burkinabé du Droit d’auteur pendant plusieurs années. Le Délégué général du FESPACO, affirme que cette 25e édition qui est prévue se tenir du 25 février au 04 mars 2017 sous le thème : « formation et métiers du cinéma et de l’audiovisuel », sera marqué par l’absence de la subvention accordée à l’accoutumée par l’Union Européenne.
TPM : étant à la tête du festival le plus important d’Afrique, quelle est votre vision du cinéma africain ?
Ardiouma Soma : je vous parlerai plutôt de ma vision de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel en Afrique, dans les pays africains. Le cinéma c’est un outil, le cinéma a été inventé au 19e siècle, et à partir du moment où le cinéma a été inventé, l’instrument qui sert donc à faire du cinéma est devenu un instrument universel et tous les peuples donc avaient en tous cas la possibilité de s’accaparer de cet outil pour s’exprimer, pour faire la promotion de leurs identités culturelles.
Et je pense que nous sommes aujourd’hui au 21e siècle avec l’avènement du numérique, qui est venu mettre l’outil du cinéma et de l’audiovisuel à la porté du plus grand nombre. Ce sont de belles opportunités que les africains se sont saisies pour pouvoir s’exprimer. Donc on peut dire qu’il y a un début d’industrie du cinéma et de l’audiovisuel dans le continent africain.
On peut même dire qu’en fait, L’Afrique a toujours été présente dans le cinéma depuis l’invention du cinéma en 1895. Parce que l’Afrique a d’abord été énormément filmée par les autres pour des raisons scientifiques, de conquête et religieuses. Et à partir des années 60, les africains eux mêmes se sont emparés du cinéma, se sont mis derrière la caméra pour se raconter eux mêmes.
Pendant longtemps on a parlé du cinéma « africain’ au singulier comme s’il y avait un seul cinéma « africain » mais en réalité il y a des cinémas en Afrique avec différences en fonction des régions, en fonction des pays, des façons différentes d’aborder les sujets, de faire du cinéma.
Donc je pense qu’aujourd’hui, il faut parler du cinéma et de l’audiovisuel sur le continent dans la pluralité. Et c’est ce qui s’exprime aussi à travers les différentes éditions du FESPACO. Pour cette 25e édition, nous avons reçu des propositions d’environ 1000 films et nous avons retenu autour de 150 qui vont être présentés officiellement dans le cadre du FESPACO et vous verrez donc qu’il s’agit d’une variété incroyable de sujets, une variété dans la façon donc de filmer, une variété dans les différents mécanismes, des différentes économies de cinéma en fonction des pays, en fonction des régions. Je dirais qu’il n’y a pas un cinéma en Afrique, mais des cinémas en Afrique c’est à dire plusieurs façons de faire du cinéma sur le continent africain.
Que pensez vous de l’image de l’Afrique véhiculée à travers la grande majorité de nos films ? Doit-on continuer à montrer la pauvreté, les guerres, les maladies…etc. ?
Je pense qu’aujourd’hui, il y’a une variété de sujets qui sont traités par les cinéastes du continent. C’est vrai qu’au début du cinéma, au moment où les africains se sont accaparés de la camera, il y avait comme une uniformité. C’est ce qui a fait qu’à l’époque on a commencé à parler de cinéma Africain. Et puis c’est resté comme ça comme un titre sur tout le travail qui est fait par les africains. Mais cela a évolué à partir des années 80 et pratiquement les années 90 et vers 2000, on avait à faire a des professionnels du cinéma. D’où la variété de thèmes et de genres. Aujourd’hui on trouve de plus en plus des cinéastes qui s’engagent sur les documentaires de création. Donc ce n’est plus des thèmes figés comme les années 60 – 70. Aujourd’hui, il n’y a pas de sujets tabou dans nos films. On parle de tout. Donc de ce point de vue je pense qu’il y’a des avancées significatives. Quand on va pour regarder un film, on va pour faire une découverte.
Propos recueillis à Ouagadougou par Zaliha Simporé