Président Directeur général de la société de production Patou Films International, il parle de l’évènement « La Nuit de la série africaine » qu’il a organisée à Yaoundé et Douala dans le cadre du festival Ecrans Noirs en juillet 2017, mais aussi du succès et des difficultés des séries tv africaines et du manque des moyens de promotion…
A l’occasion du festival Ecrans noirs 2017, vous avez organisé le 18 juillet à Yaoundé et le 21 juillet à Douala, deux éditions de La Nuit de la série africaine. Quel bilan pouvez-vous en faire ?
Bilan très positif, au-delà de toutes nos espérances. Car il faut préciser que c’était la première fois au Cameroun que s’appliquait le concept de « La Nuit de la série africaine » tel que je l’avais créé en 2013 au Fespaco. A Yaoundé, la salle de l’Institut Français était pleine dès 18h et à Douala, malgré la pluie qui est tombée sur la ville dès 17h, nous avions eu 250 personnes sur les 300 places que compte le CanalOlympia Bessengue. Encore que cette superbe salle n’est pas encore bien connue du grand public.
La Nuit de la série se greffe à des festivals qui, eux-mêmes, proposent déjà une compétition série Tv, avec très souvent les mêmes œuvres. A-t-elle encore ainsi, lieu d’être ?
La Nuit de la série africaine n’est pas un festival et ne peut en aucun cas se substituer à celui-ci. C’est un événement qui anime un festival. Son concept est d’être accueilli par des festivals de renom tel que le Fespaco, les Ecrans noirs… et programmé avec les productions des partenaires dont ces mêmes festivals en font partie ; les festivals ne pouvant proposer à la programmation qu’une partie des séries qu’ils ont en compétition. Voilà le pourquoi il y a des doublons et c’est bien normal.
Cette année, sur les 13 séries proposées, six était camerounais. Comment se fait le choix des œuvres à diffuser ?
Chaque partenaire propose par ordre de préférence les séries qu’il souhaite promouvoir lors de l’événement. Je récupère tout cela et programme la soirée tout simplement. Les six séries camerounaises en question sont les choix de la chaîne A+ et du festival Ecrans Noirs, faits sans concertation aucune. Je pense que cette forte présence des séries camerounaises est le fruit de la vivacité de leur production.
Comment se porte la série camerounaise aujourd’hui ?
Le Cameroun était déjà présent au dernier Fespaco avec quatre séries, talonné par la Côte d’Ivoire avec trois séries. Le Cameroun a maintenu la même longueur d’avance aux Ecrans noirs cette fois-ci avec trois séries. Cela montre une production active malgré l’absence d’aide à la production nationale ou internationale.
Ces dernières années, on constate que la série tv est en pleine expansion en Afrique francophone. Peut-on aujourd’hui évaluer la production de ces séries en quantité et en qualité ?
Les séries africaines sont de plus en plus nombreuses à être produites et de mieux en mieux en gamme de qualité. On assiste ces deux dernières années à un réel décollage de la série africaine : bon scénario, belle production, bon casting et bonne maîtrise technique.
De part leurs statuts, les télévisions privées font ce qu’elles veulent de leur déontologie. Quant à la télévision publique nationale, c’est une honte de mettre à l’antenne les œuvres des autres. Je ne comprends pas sa mission. C’est au service public de montrer les atouts artistiques et culturels du Cameroun. Mais quelqu’un doit y trouver son compte en montrant des telenovelas au Camerounais. Sinon, je ne comprendrais pas ces désaveux culturels de la part d’un service de l’Etat. Entre nous, les Camerounaises et les Camerounais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest méritent mieux leurs cultures que celle des autres !Malgré cette expansion, les chaînes de télévision, publiques ou privées, accordent encore une grande place aux telenovelas qui viennent d’Amérique du sud ou d’Asie, en arguant la faiblesse de la production locale face au besoin. Comment inverser la tendance ?
Il existe aussi de plus en plus de séries d’Afrique anglophone qui, doublées en français, s’imposent en Afrique francophone. Y a-t-il aussi des séries francophones qui arrivent aussi à s’imposer en Afrique francophone ?
Quelques grands groupes multinationaux, via leurs petites sociétés de distribution, ont obtenu des subventions auprès des organismes français pour doubler nos séries francophones en d’autres langues. Pour l’instant, je n’ai pas vu de résultat encourageant. Mais néanmoins, je pense que nous pouvons déjà amortir nos séries dans notre espace économique francophone. Il n’y manque cruellement que des outils de promotion.
Nos séries africaines arrivent-elles à s’exporter vers d’autres continents ? Si oui, jusqu’où ?
Je serais tenté par l’affirmation si je me réfère à un ou deux exemples isolés. Mais non, les séries africaines ne s’exportent pas encore au-delà de la Francophonie. Par contre, cela dépend aussi de l’incapacité de l’autre, de cet autre continent à manquer de curiosité. Le succès de la série africaine pourrait le dépasser et le déstabiliser dans son quotidien. Laissons-le d’abord se préparer.
Quel a été jusqu’ici l’apport de la Nuit de la série sur le développement de la série tv ?
Le premier objectif qui pour moi est depuis atteint, est de prolonger la promotion d’une série en salle. Ensuite vient la satisfaction du public. A Douala, un spectateur n’en revenait pas en ayant vu sa série préférée projetée sur un grand écran dans une grande salle de cinéma : « C’est comme un film ! » m’a t-il dit.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo