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Cathérine Ruelle : « il m’est devenu évident, que passer par la culture et en particulier le cinéma, était sans doute le meilleur moyen de comprendre et de faire comprendre ce monde »

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Après des études de sciences politiques et d’histoire, Catherine Ruelle entre à Radio France International dans les années 1970. Elle a été responsable de 1973 à mars 2012, de la rubrique cinématographique consacrée aux cinémas du Monde, notamment du cinéma africain. Pour revenir sur les temps forts de sa carrière, la rédaction de tendancespeoplemag.com s’est entretenue avec elle.

Catherine Ruelle vous êtes journaliste politique à la base. Qu’est ce qui vous a orientée vers la culture ?
En fait j’ai une formation en sciences politiques et en histoire, formation que j’ai suivie par intérêt personnel évidemment mais aussi pour faire plaisir à mon père que j’aimais énormément et que je ne voulais surtout pas décevoir ! Moi ce qui m’intéressait vraiment, c’était le théâtre, (j’ai pris des cours depuis l’âge de 13 ans) et le cinéma. Avec mes amis nous étions tout le temps fourrés à la cinémathèque à nous délecter des films et à boire littéralement les débats et les mots des cinéastes ! Mais dans ma famille, ce n’était pas la tradition ! Mon père et mon grand-père étaient très impliqués politiquement. Donc, pour une fois dans ma vie, je me suis conformée à la tradition familiale ! Evidemment dès que j’ai pu me tourner vers mes passions à la radio, c’est ce que j’ai fait !

Parlez-nous de vos débuts dans le cinéma en général et dans le cinéma africain en particulier.

Les années 70 étaient un moment très exaltant et marqué pour nous génération 68, par de formidables utopies et de multiples luttes à travers le monde (droits civils aux Usa, Combat dAngela Davis et des Black Panthers, lutte contre la guerre du Vietnam, bouleversements en Amérique Latine et théologie de la libération, construction des indépendances sur le continent africain, dernières guerres coloniales Mozambique, Angola- apartheid en Afrique du Sud, leadership algérien, nouveaux mouvements musicaux et picturaux et nouvelles vagues cinématographiques). Bref, le monde éclatait de toutes parts et bruissait d’un formidable bouillonnement d’idées nouvelles.
Je me suis rendue compte assez vite que parler frontalement de problèmes sociaux et politiques, en particulier à la radio, était assez compliqué et pas forcément satisfaisant. Après France Inter où  j’avais fait mes débuts en 1969, j’ai rejoint, par choix, la direction des affaires extérieures et de la coopération de Radio France en 1971 à 21 ans et je n’ai pas terminé ma licence d’histoire ! L’histoire en marche était encore plus passionnante !

Très vite il m’est devenu évident, que passer par la culture et en particulier le cinéma, média hyper populaire, était sans doute le meilleur moyen de comprendre et de faire comprendre ce monde nouveau qui naissait sous nos yeux. Les images ont une portée émotionnelle forte et permettent de faire ressentir les évènements bien plus que de longues démonstrations didactiques.
D’autre part, les cinéastes du Tiers monde, cinéastes d’Afrique compris (femmes et hommes) étaient engagés dans une lutte pour une troisième voie politique et créatrice à l’image des Non-Alignés. C’était passionnant à suivre et à faire connaître. Et leur cinéma était d’une invention extraordinaire. Et les cinémas d’Afrique avaient alors à quelques exceptions près, une dizaine d’années à peine et on pouvait encore facilement « rattraper » les films et avoir une vue d’ensemble de ces cinématographies naissantes ! Assister à la naissance de cinématographies, 50 ans après la naissance du cinéma, ce nest pas banal, convenez-en !

Les premiers contacts que j’ai eus dans les années 70 avec les films d’Afrique, je les dois à Sembène Ousmane, rencontré à Paris en 1972, à Djibril Diop rencontré à Dakar la même année lors de la projection de Touki Bouki, à Oumarou Ganda, à Souheil Ben Barka et à Mustafa Alassane, rencontrés en 1973 au festival de Beyrouth.
Dès 1972, à côté des émissions de politique internationale (« Carrefour ») j’ai plongé dans la culture et le cinéma, rencontrant d’un côté Abel Gance, Jean Luc Godard, François Truffaut, Jean Rouch ou Orson Welles, les grands du cinéma occidental. Et de l’autre côté j’ai rencontré les tenants d’une nouvelle culture africaine ou de la littérature orale comme Cheikh Anta Diop, Joseph Kizerbo, Amadou Hampaté Ba, puis Sembène Ousmane, Djibril Diop Mambety, Mahama Traoré, Ferid Boughedir, Oumarou Ganda, Safi Faye, Med Hondo ou Sidi Sokhona…

Nous étions peu nombreux à l’époque à nous passionner pour les cinémas d’auteur du monde entier dans la filiation des cahiers du Cinéma et de Serge Daney. Et il y avait très peu de journalistes femmes !

 

Propos recueillis par Georgine Motassi

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