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« C’est aux créateurs de faire connaître nos propres tissus et surtout de faire valoir ce qui est vraiment à nous » – Adama Ndiaye

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Le HuffPost Maroc est allé à la rencontre de cette créatrice-militante, samedi, quelques minutes avant le début du Casa Fashion Show, durant lequel certaines de ses créations ont défilé. Elle nous a plongé dans son univers: son processus créatif, son rapport au wax (tissu africain) et l’image qu’elle se fait de la mode africaine. Dans cette interview, elle parle aussi de son engagement pour la préservation de sa culture et contre son appropriation par certaines marques, question particulièrement d’actualité ces dernières années dans la mode.

Comment avez-vous fait connaissance avec le Casa Fashion Show?

J’ai créé la Fédération africaine de la mode, du coup le Casa Fashion Show était dans mon viseur. Je viens aussi souvent que je peux au Maroc, donc je me suis renseignée sur l’événement.

Vous avez créé votre marque il y a déjà 16 ans. Comment avez vous réussi à la pérenniser?

C’est comme l’art, tant qu’il y a de la passion, chaque collection est un nouveau re-commencement. Elles sont empruntes de mes voyages, de mes rencontres et j’ai, à chaque fois, un peu la peur au ventre avant de montrer ce que je fais.

La veille du défilé, à l’occasion d’une table ronde, vous avez lancé un coup de gueule concernant le wax. Pourquoi êtes-vous si remontée par rapport à cette question?

C’est un tissu qui ne rapporte pratiquement rien aux artisans sénégalais. L’image que l’Occident se fait de la mode africaine est complètement biaisée. Et c’est l’image que les Occidentaux ont rapporté en Afrique. C’est juste une histoire de colonisation qui continue.

Les Hollandais sont venus, nous ont imposés un tissu et ont fait en sorte que dans le subconscient des Africains il soit considéré comme local. Du coup, c’est une prise de position complètement normale de ma part. Tant que j’aurais une tribune pour en parler et sensibiliser les gens, je le ferai. C’est aux créateurs de faire connaitre nos propres tissus et surtout de faire valoir ce qui est vraiment à nous.

Quelle différence faites-vous entre l’appréciation culturelle et son appropriation?

Où va l’argent, c’est là que le bât blesse! Si on me copie ou plagie et que dans la chaîne de valeur je peux gagner de l’argent, c’est correct. Certes, une culture n’existe que quand on continue à la cultiver. Je n’ai aucun problème avec la globalisation, je suis une femme moderne de mon temps. Mais, j’ai un problème avec les gens qui viennent s’approprier quelque chose qui ne leur appartient pas à des buts lucratifs, et pas dans une volonté de partage.

Là, on vient prendre des tissus en Afrique et 94% des bénéfices vont dans les poches des étrangers. Et ça, si ce n’est pas de l’appropriation culturelle, je ne sais pas ce que c’est! Pour moi, l’appropriation, c’est quand des gens prennent d’autres cultures et se l’approprient sans qu’ils lui rendent hommage et se font de l’argent avec.

On a beaucoup parlé de vos créations au moment où Beyoncé a porté un de vos sacs. Quand des stars occidentales font la promotion de créations africaines, est-ce une frustration, pour vous?

C’est une frustration totale, mais au même temps c’est le jeu! Il ne faut pas être naïf. J’adore Beyoncé qui est une cliente, mais, comme je le dis souvent, elle ne m’a pas faite, elle est venue à moi parce que des femmes m’ont plébiscitée et que la presse a parlé de mes créations. Ce qui est important, pour moi, c’est de plaire à des femmes comme vous et moi. C’est grâce à elles qu’aujourd’hui j’ai une marque qui marche.

Aujourd’hui, les femmes africaines sont fières de porter leur tissu, porter des robes que nous fabriquons. Il y a une réelle appréciation de ce qu’on est. Je suis Parisienne, Sénégalaise, je parles français, anglais, espagnol, allemand. Je n’ai pas envie que l’on me mette dans des cases ou que l’on me dise: parce que je suis africaine je dois me limiter à un certain style. Et je pense que beaucoup de femmes sont comme moi et poussent ce coup de gueule.

 

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