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Maïmouna Ndiaye : « On gagnerait à faire plus de co-productions que de productions unilatérales »

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Actrice confirmée, jury au festival de Cannes 2019, elle fait aussi valoir les sujets qui la touchent derrière la caméra. Son documentaire, « Le fou, le génie et le sage » est d’ailleurs en compétition aux Ecrans noirs 2019. Avec simplicité, elle raconte ce qui a inspiré son sujet. Maïmouna Ndiaye lance également un appel à une mutualisation des efforts afin que le cinéma africain rayonne davantage à l’international.

Qu’est-ce que ça vous fait d’être à Yaoundé, aux Ecrans noirs 2019, avec un film en compétition ?

Ça fait énormément plaisir. C’est la deuxième fois que je viens aux Ecrans noirs. J’étais venue en 2015 avec « L’œil du cyclone » et je suis repartie avec un prix. Cette fois je suis venue avec un documentaire, pas forcément pour partir avec un prix, mais aussi pour montrer une réalité du côté de l’Afrique de l’Ouest qui, je pense, se vit aussi en Afrique centrale. Et c’est d’autant plus important pour moi que cette séparation qu’on fait assez souvent entre l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique du Sud, l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Nord, n’a pas lieu d’être. On devrait arrêter de parler de séparation, du moins sur le plan culturel. On devrait simplement parler de culture, d’échange, de mieux-connaître l’autre, de faire du cinéma. Dons, je suis très contente de pouvoir venir en Afrique centrale, précisément aux Ecrans noirs, en tant que réalisatrice et avoir l’immense espoir –et j’y crois- de pouvoir faire des films en collaboration avec soit réalisateurs ou producteurs camerounais, soit tourner au Cameroun. Il faut que le cinéma fasse que la distance soit écourtée voire dissipée. Et ça me rend joyeuse de rencontrer de nouvelles personnes, de voir de nouveaux films comme celui de Madeleine Autet que j’ai vu [Sur mes pas, Ndlr]. Il y a plein de camerounais que je connais culturellement, artistiquement… J’aimerais que ça ne se limite pas qu’à ça et qu’on arrive à travailler ensemble pour que notre cinéma et notre culture soit une et aille de l’avant.

Comment arriver à une mutualisation des efforts justement ?

C’est à nous, acteurs de nous sensibiliser entre nous. Par exemple, « L’œil du cyclone » avait une production burkinabé, une production camerounaise et une production française. On gagnerait à faire plus de co-productions que de productions unilatérales. En faisant des co-productions, on va arriver à mieux se souder, mieux se rapprocher pour faire en sorte que nos films puissent aller loin. Donc, il faut qu’on y pense. C’est à nous, acteurs, de le faire. Je suis là en tant qu’actrice et réalisatrice Mais chaque fois que je rencontre mes confrères et consœurs, on en parle. Je leur dis, « mettons-nous ensemble et faisons du cinéma ».

Alors, vous êtes en compétition aux Ecrans noirs dans la catégorie « Documentaire internationaux » avec « Le fou, le génie et le génie », qui donne la parole à des déficients mentaux au Burkina Faso. D’où est venue votre inspiration pour traiter ce sujet ?

Justement, on se noie dans l’évolution très rapide de nos sociétés et du coup, on oublie l’essentiel. De la même manière que les jeunes vont vers la modernité et oublient les traditions, de la même manière la société évolue tellement vite, qu’on oublie toutes ces personnes. Au village, les personnes qui ont une crise ou une maladie mentale sont prises en charge par la communauté et ça peut se stabiliser. Aujourd’hui, ça va tellement vite qu’on a tendance à les oublier. Et on oublie que ces personnes ont une histoire, un parcours. Elles sont parties de quelque part pour se retrouver-là. C’est peut-être un choc, c’est peut-être un événement douloureux qui a fait qu’elles se sont retrouvées dans la déficience mentale. Tout va tellement vite qu’on oublie de les regarder. On ne pense plus à eux. On s’éloigne de la famille, on s’éloigne de nos parents, de nos grands-parents, du village… On s’éloigne de tout et donc, on s’éloigne de nous-mêmes. Ces personnes-là ne sont pas loin de moi. Elles sont comme un miroir. Quand je les vois, je me dis, ça pourrait très bien être moi dans la rue. Si un jour ça m’arrive, j’aimerais que les gens « normaux » ne s’éloignent pas de moi, mais reviennent à la raison. Qu’ils viennent vers moi et s’interrogent sur ce qui me serait arrivé. Donc, c’est à nous, les gens normaux d’aller vers eux et de faire en sorte qu’on retrouve nos vraies valeurs de cohésion, de famille, du vivre-ensemble pour qu’ils aillent mieux. S’ils ne vont pas mieux, c’est la société qui va perdre.

Vous avez fait vos preuves en tant qu’actrice. Aujourd’hui, vous êtes dans la peau de la réalisatrice. Laquelle de ces postures est la plus facile à endosser ?

Ni l’une ni l’autre. En tant qu’actrice, évidemment on a des personnages à préparer, des rôles à apprendre par cœur. On porte un film, il faut que ce soit bien fait. Seulement, on n’a pas à chercher des sous, on les reçoit. En tant que réalisatrice, il faut écrire son film, trouver les financements, trouver un producteur, ça c’est difficile. Les deux postures sont difficiles à assumer. Mais pour moi, elles sont complémentaires. L’une appelle l’autre. La réalisation a appelé l’actrice parce qu’elle a eu envie de dire des choses, parler des choses dont personne ne parlait. Donc, j’ai été naturellement tournée vers la réalisation. L’actrice aussi c’est parce que j’avais envie d’exprimer des choses. Tout le monde ne peut pas faire les deux. J’avoue que j’ai un privilège de faire les deux, de passer de l’un à l’autre et c’est une énorme chance.

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2019 est votre année. Vous avez été choisie comme membre du jury du festival de Cannes. Comment on reçoit une telle réussite ?

Je ne dirais pas que ça coule de source. Mais, je n’ai pas commencé le métier il y a un ou deux ans. Ça fait très longtemps que je suis dans le milieu. J’ai commencé  par le théâtre, je suis venue au cinéma, je fais du documentaire. C’est tout un parcours en fait. J’avais été jury dans d’autres festivals avant d’aller à Cannes. Même ici aux Ecrans noirs, j’avais été jury mais je n’avais malheureusement pas pu honorer l’invitation. Mais je pense que c’est la suite de tout un parcours qui fait qu’on en arrive là. Et j’espère que ça ne va pas s’arrêter et que d’autres vont suivre pour représenter le cinéma africain.

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Aujourd’hui, vous êtes une autorité dans le milieu du cinéma africain. Ce que vous dites a forcément un certain impact. N’est-ce pas une forme de pression pour vous ?

Oui et non, parce que quand on assume les actes qu’on pose et les paroles qu’on dit, il n’y a pas de pression. Là où il peut en avoir, c’est qu’on ne peut pas faire moins. Quand on vous a mis au deuxième étage, on ne peut pas se mettre au premier pour parler. On se met au deuxième étage et puis on vise les étages du dessus. Elle est peut-être là, la pression. On ne peut pas décevoir son public. J’en profite pour dire merci au public parce que sans public nous n’existons pas. C’est lui qu’on doit remercier en premier. Je pense aux personnes qui vont dans les salles, qui regardent nos films. Ce sont elles qui font de nous ce que nous sommes.

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