Idrissa Ouédraogo « présent » au Fespaco 2019
« Le père de Tilaï », un documentaire du réalisateur camerounais Michel Kuate, lui rend hommage. La seconde projection a eu lieu ce mardi 26 février 2019 à Ouagadougou.
18 février 2018. Idrissa Ouédraogo, 64 ans, décède à Ouagadougou après avoir passé ses derniers jours dans le domicile de son frère. Quatre jours avant, il avait l’air d’aller bien, d’après Rasmané Ouédraogo, son ami de longue date. Tous deux s’étaient retrouvés et avaient rigolé de tout et de rien. Ils avaient parlé du film « Les graines de l’espoir », un projet sur lequel ils comptaient prochainement s’investir. Ils avaient d’ailleurs rendez-vous au Benin pour avancer dans la concrétisation de ce film, dont peu de personnes ont eu les secrets.
Idrissa Ouédraogo, icône du cinéma burkinabé, pensait que l’inégale répartition des richesses était susceptible de créer le chaos et que le cinéma devrait contribuer à sensibiliser les masses sur les disparités sociales et sur les maux qui minent l’Afrique.
Militant de la cause humaine
Ce côté militant, Idrissa Ouédraogo ne l’avait pas usurpé. A 15 ans, il présidait déjà une association de jeunes élèves et étudiants. Plus tard, à l’université, il a participé à une fronde qui lui a valu une exclusion. C’est alors qu’il a décidé de prendre un prêt bancaire d’un montant de 250.000 francs CFA pour réaliser « Poko » son premier court métrage, (primé au Fespaco) toujours aussi d’actualité qu’il y a 38 ans, à sa sortie. Il y décrit la précarité, la misère et le difficile accès aux soins en milieu rural.
Le réalisateur y raconte le calvaire des populations rurales, obligées de parcourir des kilomètres à dos d’âne-ou presque, pour espérer sauver leur peau dans un hôpital dont ils peuvent à peine payer les factures. Poko, personnage du film éponyme, meurt en chemin pour l’hôpital, alors qu’elle est enceinte. Cela arrive encore aujourd’hui.
Cannes, Fespaco, etc…
Ces thématiques lui étaient chères. Lui qui, né d’une famille pauvre, comprenait les frustrations liées à la carence. Pourtant, il n’hésitait pas à donner ce qu’il avait, témoignent ses proches dans le documentaire du Camerounais Michel Kuaté.
Cette générosité, il la voulait dans ses films, à travers ses histoires et ses personnages. L’humain valait plus que tout l’or du monde. Et le monde a été touché par « Tilaï », le film de la consécration : Grand Prix du festival de Cannes (1990) et Etalon d’or de Yennenga (1991). Il était le premier burkinabé à recevoir ce trophée.
Peinture du réel
Étiqueté pour sa tendance presqu’obsessionnelle à mettre en scène la vie en milieu rural, Idrissa Ouédraogo apparaît dans le documentaire de Michel Kuaté comme un homme connecté à ses convictions et aux grandes misères du monde. Ce qui ne fait pas de lui un pessimiste compulsif. Il avait de l’humour et la répartie des grands esprits.
Après les attentats du 11 septembre 2011, Idrissa Ouédraogo est choisi parmi une poignée de réalisateurs pour produire des films sur le sujet. S’il ne banalise pas l’ampleur de ces événements, Idrissa Ouédraogo choisit d’offrir une perspective plus africaine à l’affaire. Encore une fois, il met en avant la précarité, la maladie et les espoirs perdus à travers des personnages attachants.
Dans un récit intime, Michel Kuaté raconte son admiration pour Idrissa Ouédraogo. Il avait approché le réalisateur en 2013 pour lui faire part de son intention de réaliser un documentaire sur lui. Le Burkinabé avait dit oui. En 2017, Idrissa Ouédraogo se confiait à la caméra du réalisateur camerounais, racontant son enfance, ses études, son cinéma, ses obstacles et sa vision du monde. D’une durée de 35 minutes, « Le père de Tilaï » est un document à léguer la postérité. Il est en compétition dans la catégorie «documentaire court métrage ».